L’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) illustre à la perfection la difficulté de mener à bien la politique de réindustrialisation des territoires et la lutte contre le réchauffement climatique. Inscrit dans le cadre de la loi Climat et résilience, votée en 2021, il impose la division par deux de la consommation de sols naturels, agricoles et forestiers en France d’ici 2030, et vise à cesser l’artificialisation des sols à l’horizon 2050. Mais avec quelles conséquences économiques ?
D’après les calculs effectués par Arthur Loyd -réseau spécialisé en immobilier d’entreprise- quelque 113.000 hectares vont manquer en France métropolitaine d’ici 2030, avec l’application de cette loi. Autant de surfaces qui manqueront pour loger les Français et développer l’industrie dans les territoires, déplorent les auteurs de l’étude.
Le littoral Atlantique pénalisé
Certaines zones seront plus touchées que d’autres : « 20 bassins d’emploi, soit seulement 7 % du territoire, concentreraient plus de 25 % du nombre d’hectares manquants », indique Arthur Loyd. Une tension qui concernerait en premier lieu le Grand-Ouest, le bassin toulousain et le couloir rhodanien. Une ville comme Toulouse devrait ainsi manquer de 3.155 hectares pour son urbanisation. Bordeaux perdrait 2.302 hectares et Nantes 1.882 hectares.
A l’inverse, six territoires, localisés pour la majorité d’entre eux en Grand-Est mais également en Hauts-de-France et en Corse, disposeront d’un solde d’artificialisation positif par rapport à leurs besoins théoriques.
Des logements plus chers
Les 20 bassins les plus touchés, symboles du phénomène de littoralisation de la société française, sont les plus dynamiques en termes de croissance démographique et de progression de l’emploi, rappelle Arthur Loyd. Or pour chaque nouvel habitant, ce sont 1.129 m² de terrains qui sont en moyenne artificialisés, pour construire des logements et des services publics.
Dans ces villes, les conséquences se feront ressentir sur les prix de l’immobilier, avec des biens qui vont se raréfier. « Les 20 bassins dans lesquels le manque à artificialiser serait plus particulièrement élevé au cours de la décennie 2021-2030 ont d’ores et déjà été concernés par des hausses de valeurs locatives, ou d’acquisition des biens immobiliers. Une hausse qui devrait se poursuivre à moyen terme, du fait de la mise en application de l’objectif ZAN », explique le baromètre.
Des effets insidieux
L’impact se fera aussi ressentir pour les entreprises qui vont devoir allouer une plus grande partie de leurs ressources financières aux dépenses liées à location ou l’acquisition de leur outil immobilier. « Et ce, alors que l’immobilier représente souvent le deuxième poste de charges des entreprises après la masse salariale, et même le premier actif au bilan pour les entreprises propriétaires de leur immobilier », déplore Arthur Loyd.
L’équation s’annonce d’autant plus complexe à résoudre que tous les territoires sont lancés dans une politique de réindustrialisation , portée par le développement des filières vertes, à l’image des gigafactories de batteries . L’installation d’usines et de leurs écosystèmes « va requérir la mise à disposition d’importantes disponibilités foncières », insiste le spécialiste de l’immobilier d’entreprise.
« La sobriété foncière va avoir des effets insidieux sur l’aménagement du territoire, en favorisant les initiés, au détriment des nouveaux arrivants », résume Cevan Torossian, directeur du département études et recherches d’Arthur Loyd. « Ce raisonnement s’applique autant pour la PME/PMI en plein essor, que pour les ménages avec la question du logement », ajoute ce dernier.
Fronde des maires
Alors que faire ? Des solutions alternatives existent, telles que la reconversion de friches industrielles ou la transformation de bureaux obsolètes en logements. Mais « même en augmentant le volume du recyclage urbain, le compte n’y est pas ! Ces pratiques complexes ont par ailleurs pour point commun d’être plus coûteuses et plus longues à mettre en oeuvre », explique Cevan Torossian.
Conscient de ces enjeux, et face à la fronde des maires , le parlement a voté, en juillet dernier, une nouvelle loi qui donne plus de pouvoir aux collectivités territoriales dans l’application de l’objectif ZAN et assouplit certaines dispositions. Pas de quoi rassurer les élus locaux qui « restent perplexes face à la complexité du dispositif », a souligné la sénatrice communiste de la Loire, Cécile Cukierman, lors d’un débat consacré à la ZAN, organisé le mois dernier au Sénat.
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