Adapter les villes est essentiel.
Alors que les inondations et canicules, ou autres aléas climatiques se multiplient, il semble que les villes et les logements peinent à s’adapter. A quel point les technologies existent pour se protéger des aléas climatiques ?
Éric Daniel-Lacombe : Les villes ne peinent pas à s’adapter faute de technologies, mais parce que nombre d’acteurs influents croient ou veulent faire croire que les technologies peuvent apporter des protections matérielles qui mettraient à l’abri des aléas climatiques.
Isabelle Thomas : Disons qu’il y a deux axes majeurs. Il est indiscutablement crucial d’intégrer le bâtiment dans son contexte. En effet, même si nous concevons le bâtiment pour être très résilient, il ne fonctionnera pas seul s’il est placé dans un contexte d’inondations graves, de désert aride ou d’une forêt sujette aux incendies. La considération des échelles différentes est primordiale. Il faut intégrer et s’adapter intelligemment, en tenant compte du cadre bâti et de et du contexte local.
De nombreuses réflexions sur les matériaux sont menées de même que les produits. À l’école d’architecture, les experts apportent des idées innovantes sur les matériaux à utiliser en fonction des enjeux climatiques. Nous pouvons même suivre l’évolution du bâtiment en relation avec le climat. Il est certain qu’une innovation croissante est indispensable pour s’adapter aux enjeux actuels. Par exemple, en ce qui concerne les inondations, nous pouvons simuler comment le niveau et la vitesse de l’eau qui atteint le bâtiment et ainsi trouver des stratégies d’adaptation, voire de relocalisation si le risque est trop élevé.
Les méthodes et les savoirs existent. Le défi majeur réside dans le changement des savoir-faire, de la mise en œuvre des connaissances sur les milieux e vie, des comportements et de l’aménagement urbain lui-même. Bien que le dérèglement climatique soit souvent évoqué, nous devons reconnaître que nous avons nous-mêmes contribué à des îlots de chaleur en créant des zones densément peuplées, avec des pavés imperméables et des bâtiments peu écologiques et économiquement inadéquats. Nous devons donc repenser complètement notre approche de l’aménagement du territoire et de la planification urbaine en gardant en tête des principes tels que l’anticipation, l’innovation, l’adaptation et la co-construction . Il est évident que beaucoup de collectivités ont empiété sur des environnements qui peuvent aujourd’hui présenter des risques, comme par exemple le littoral atlantique, les bords de Seine ou de Loire. Nous devons nous adapter en construisant différemment, en réutilisant ou en transformant les bâtiments existants. Par exemple, il y a beaucoup de bâtiments qui n sont pas aux normes, ce qui nous amène à réfléchir à leur utilisation dans les centres urbains. Par ailleurs, en France, certains immeubles dans des quartiers totalement imperméables et sujets aux ilots de chaleurs peuvent ne pas être appropriés à un milieux de vie viable et pourraient être des cas exemplaires de transformation visant le bien-être et l’inclusion de la population en visant une adaptation aux dérèglements du climat.
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Atlantico : Qu’est-ce qu’il est aujourd’hui possible de faire pour rendre une habitation ou un bâtiment résistant aux aléas climatiques ? Quelles sont les stratégies et matériaux utilisés ?
Éric Daniel-Lacombe : Il convient de développer des régulations naturelles des effets du climat, à l’échelle des quartiers et non pas à l’échelle d’une habitation. Il faut aussi donner aux habitants la possibilité d’être attentif aux fluctuations du temps et de la nature où ils vivent. La résilience est une force mentale qui se construit à travers des expériences vécues non traumatisantes. Voilà le matériau qu’il faut utiliser :
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La transformation du quartier Matra à Romorantin laissant plus de place à la rivière, a permis de résister sans dommage à une crue lente et majeure d’un mètre cinquante (2016),
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La mise en place d’un jardin réduisant les effets des crues (2015) à Mandelieu-la Napoule dans le sud de la France contribuera à la régulation de la rivière Riou en crue rapide,
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En 2022, j’ai aidé dix communes sinistrées par la tempête Alex dans les vallées de la Roya, la Tinée, la Vésubie et le Var à retrouver un horizon d’aménagement entre prudence et développement adaptés aux crues transportant des rochers.
Pour autant, ces technologies sont-elles intégrées comme il le faut dans la réflexion sur la manière de construire ou d’adapter les logements à l’heure actuelle ?
Éric Daniel-Lacombe : Absolument pas. On fait semblant de croire que l’abus de techniques dont on n’avait pas éprouvé les conséquences à long terme, peuvent apporter la solution des problèmes auxquels elles contribuent. Les solutions techniques, comme les levées le long de la Loire, ou les diguettes de la région Parisienne, ou les digues en cours de construction à Manhattan ou au japon, ne connaissent que le phénomène hydrologique. Elles proposent une réponse unique à des problèmes multiples, et elles conduisent souvent à des travaux très importants et coûteux qui laissent en souffrance les problèmes sociaux et économiques.
Isabelle Thomas : Je ne souhaite absolument pas généraliser en ce qui concerne les promoteurs immobiliers. Cependant, il est impératif de réfléchir sérieusement et de bien comprendre les avantages et les coûts des projets. Cela ne se limite pas à la construction de tours à forte densité avec des condos de luxe coûteux. Actuellement, on commence à quantifier les bénéfices de la végétalisation des parcelles et à les quantifier. En vérité, concevoir une ville implique une réflexion à moyen et long terme, avec une considération pour le bien-être et la santé mentale des citoyens. La pandémie de COVID-19 l’a clairement démontré, la ville doit être viable, accueillante et démocratique en particulier par la beauté et qualité de son cadre de vie. Cela implique également d’intégrer de nouveaux savoir-faire et technologies dans les projets, ce qui inévitablement engendre des coûts et des changements dans les pratiques. Il est réellement nécessaire de peser les coûts et les avantages à moyen et long terme en innovant avec de nouveaux indicateurs de santé, de bénéfices environnementaux et de fiscalité municipale, complémentaires aux indicateurs traditionnels qui se concentrent sur le cadre bâti.
L’élément fondamental à comprendre est que nos méthodes d’analyse et de réflexion en matière de résilience sont assez avancées. Là où nous devons vraiment concentrer nos efforts, c’est dans le changement de mentalité, la formation des décideurs et des acteurs du secteur immobilier. Il est crucial de fournir aux acteurs locaux et aux promoteurs immobiliers les moyens de construire en tenant compte de la résilience et de l’adaptation. Il est également nécessaire d’aider les citoyens, car de nombreux logements existants ne sont pas adaptés aux changements climatiques.
Pour illustrer ce propos, je me suis récemment rendue à la Nouvelle-Orléans, où j’ai rencontré un citoyen qui bénéficie d’un programme fédéral de réaménagement et d’adaptation de sa maison en vue de réduire les risques. Les autorités fédérales ont compris qu’il était plus judicieux de favoriser des transformations structurelles adaptatives pour éviter les coûts récurrents de reconstruction à l’identique. Rehaussement de la maison 30 cm au-dessus de la ligne des plus hautes eaux, dé-perméabilisation de la parcelle, aménagement paysagé sont plusieurs stratégies possibles. Dans ce genre de situation, tout le monde est gagnant : la maison est métamorphosée et adaptées aux enjeux climatiques, elle prend de la valeur, la ville garde un citoyen engagé et en sécurité, les taxes foncières augmentent et le quartier profite d’un cadre de vie amélioré. Ce type de stratégie est possible quand le risque n’est pas trop élevé. Il est par ailleurs utile d’anticiper les enjeux de justice sociale sur le long terme et d’apporter des baisses de couts récurrents, comme c’est le cas dans ce contexte avec une baisse drastique des prémium d’assurance.
En fin de compte, il est primordial de mettre en place des programmes d’accompagnement pour les citoyens, les promoteurs immobiliers et les décideurs. Le besoin de changement est évident et omniprésent et implique un suivi des actions choisies. La situation est préoccupante au Québec et au Canada cette année, où nous avons dû faire face à des inondations et à des feux de forêt. Il est donc impératif de repenser la construction des bâtiments. Cependant, cela ne se limite pas aux bâtiments eux-mêmes, car si les infrastructures environnantes ne sont pas résilientes, la qualité de vie des habitants sera sérieusement compromise. Il est donc crucial de considérer les diverses échelles spatiales et temporelles lors de ces réflexions.
Comment faire pour sensibiliser au mieux sur ce questions ?
Isabelle Thomas : C’est réellement un changement majeur à opérer. Il s’agit de développer une nouvelle culture de la gestion des risques. Au Québec, nous investissons énormément d’efforts dans ce domaine. Suite aux inondations en 2019, un chantier majeur a été lancé, principalement pour repenser l’aménagement du territoire en zone inondable. Cela implique la mise en place de nouveaux programmes pour soutenir les municipalités, ainsi qu’une transformation culturelle concernant la gestion des risques. Mon équipe et moi-même travaillons sur différents outils de communication à cet égard. Le changement de perception passe par la communication adaptée à divers publics. Par exemple, nous avons créé la première bande dessinée au Québec sur la résilience urbaine en collaboration avec la ville de Coaticook. Cette bande dessinée sensibilise les enfants aux risques et aux mesures à prendre, de manière interactive et engageante.
Il est clair que la communication doit être ciblée en fonction des publics. Par exemple, pour les enfants, nous utilisons des jeux et des illustrations pour les sensibiliser aux différents types de risques et aux comportements sécuritaires. Nous avons aussi développé d’autres supports tels que des accroches-portes, des podcasts et des documentaires pour un public plus large.
Le besoin de changement est également évident dans le comportement des citoyens. Nous avons observé des décès tragiques cet été en Nouvelle-Écosse, où des personnes ont tenté de fuir les inondations en voiture, ce qui aurait pu être évité avec une communication adéquate.
L’objectif ultime est d’aider les citoyens, les élus municipaux et les promoteurs immobiliers à s’adapter. Pour cela, il est utile de concevoir des formations qui abordent les questions d’adaptation. Il est essentiel de fournir un encadrement et un suivi continus, car le changement prend du temps à se concrétiser à court, moyen et long terme.
Nous envisageons également la mise en place de cas pilotes avec des leaders dans le domaine de la résilience. Ces champions servent d’exemple et encouragent d’autres à suivre. En France, les « Cours Oasis » sont souvent citées comme de bons exemples, et nous cherchons à développer des initiatives similaires. Cependant, il est crucial de ne pas isoler ces exemples dans un océan de problèmes. Il faut envisager la ville comme un écosystème urbain et environnemental cohérent, où la résilience est intégrée à tous les niveaux de développement, du bâti au naturel.
A quel point résilient et durable sont des notions qui se chevauchent, ou non ?
Isabelle Thomas : En effet, les termes ne sont pas strictement identiques. Il y a même eu des analyses menées par des chercheurs qui ont démontré que des stratégies de viabilité, de durabilité et de résilience peuvent parfois entrer en contradiction. C’est pourquoi je préfère de plus en plus évoquer l’adaptation, car la résilience s’est avérée assez complexe. Lors de notre récente visite à la Nouvelle-Orléans avec mes étudiantes, nous avons constaté un exemple concret d’un quartier résilient nommé « Gentilly Resilience District ». Plusieurs projets y sont en cours de réalisation et se montrent extrêmement intéressants et efficaces.
Ainsi, lors de l’ouragan Ida, un projet a permis de capter des milliers de gallons d’eau à la Nouvelle-Orléans, évitant ainsi les inondations dans le quartier. Cette approche a clairement amélioré la qualité de vie et l’environnement du quartier. Cependant, un autre enjeu auquel ils n’avaient pas anticipé a émergé, à savoir l’éco-embourgeoisement ou l’éco-gentrification. Cela démontre que la résilience d’une ville peut être biaisée selon les aspects considérés. Une ville peut être résiliente dans certains domaines et ne pas l’être dans d’autres, créant ainsi des contradictions au sein du même terme. C’est précisément pour cette raison qu’une approche interdisciplinaire et pluridisciplinaire est essentielle : afin de construire une ville qui soit véritablement inclusive et équitable.
Mais les solutions de résilience coutent cher, individuellement et collectivement….
Isabelle Thomas : Effectivement, ces initiatives peuvent avoir des coûts significatifs. Cependant, c’est précisément pour cette raison que, au sein de mon équipe, nous avons développé deux approches de réflexion. La première se concentre sur les indicateurs. Lorsque nous examinons les coûts, nous remarquons que souvent, seuls les coûts liés au cadre bâti sont pris en compte. Pourtant, lorsqu’on parle de résilience urbaine, cela englobe bien plus que les bâtiments. Nous avons intégré des aspects tels que la santé, qui ont des répercussions énormes. En évitant des problèmes comme la dépression, les arrêts de travail, les divorces, voire même les suicides, les bénéfices sont indéniables. C’est ce qu’on appelle une évaluation coûts-avantages intégrée.
Un autre élément crucial est l’environnement. Un chercheur au Québec, Jérôme Duprat, a développé une science économique passionnante sur les avantages environnementaux et a chiffré ces avantages. Désormais, lorsque je travaille sur des scénarios, des projets de relocalisation ou d’adaptation du cadre bâti, je montre que oui, il y a des coûts, mais que les avantages à court et moyen terme sont considérables, même du point de vue des infrastructures municipales. En prenant en compte une planification préalable soigneuse, ces infrastructures bénéficient non seulement aux quartiers, mais également à toutes les parties prenantes.
Comment penser l’action individuelle et collective quand les coûts sont si élevés ?
Isabelle Thomas : C’est un élément majeur nécessaire au commencement de tout projet, il est essentiel de réfléchir à la manière dont on intègre une proportion d’habitat incluant des logements à des coûts abordables. L’habitat reste primordial, mais les coûts doivent être adaptés à certaines catégories de population pour favoriser l’inclusion. Cela englobe des groupes comme les familles monoparentales, les personnes âgées, et bien d’autres. Une constatation cruciale qui émerge de nos retours d’expérience est la nécessité de considérer également l’aspect local. En effet, les locataires sont souvent exclus lorsque les loyers deviennent inabordables. C’est pourquoi je pense que les projets intelligents, soutenus par l’État, devraient inclure des quotas. Dans les projets de réaménagement, un certain pourcentage pour ce type d’inclusion devrait être réservé À l’époque où j’étais professeur à Houston, nous avions constaté la mise mis en place d’un système similaire : des appartements à loyer modéré ne pouvaient pas être revendus rapidement afin d’empêcher des gains spéculatifs.
Cette approche permet non seulement de garantir une certaine stabilité dans le quartier, mais aussi de préserver une dimension plus collective. D’ailleurs, Éric abordera probablement demain le projet en cours dans la ville d’Orléans, qui illustre le concept de l’architecture inclusive. Dans cette ville, des maisons individuelles coexistent avec des logements collectifs. Lorsque nous évoquons l’action collective, il est impératif de considérer les coûts et les bénéfices. En effet, grâce à ce genre de projet, il est possible d’envisager des relocalisations depuis des zones dangereuses vers des zones plus sûres, tout en créant des espaces verts à accès collectif. Cela améliore non seulement la santé mentale et physique des habitants, en leur offrant un accès à la nature auparavant inaccessible, mais aussi la dynamique sociale. C’est pourquoi il est crucial de concevoir le projet dans sa globalité.
Pourquoi avons-nous tant de mal à faire cette transition ?
Éric Daniel-Lacombe : Parce que la division du travail, tant technique que bureaucratique, impose d’additionner des points de vue étroitement spécialisés pour résoudre des problèmes globaux, autant culturels que naturels.
Isabelle Thomas : Je crois que le principal obstacle réside peut-être dans le déni. Depuis 2005, je travaille sur ces questions et peut-être que nous manquons d’une prise de conscience suffisamment forte concernant les grands enjeux. Nous avons également été malheureusement absorbés par les défis posés par la COVID-19, ce qui a mis en arrière-plan les enjeux liés aux extrêmes climatiques. Il ne faut pas attendre les catastrophes pour réagir, mais plutôt les anticiper. Il faut comprendre qu’en développant un environnement bâti résilient, nous pouvons aussi répondre à d’autres problématiques, telles que des enjeux de santé mentale pendant une pandémie, en offrant un accès à des espaces verts de qualité par exemple.
La lenteur du changement est liée à la difficulté inhérente à tout processus de changement. Cette résistance s’observe à tous les niveaux de gouvernance. Des prises de position sont nécessaires, depuis le niveau de l’État fédéral jusqu’aux niveaux provinciaux. Un exemple concret est l’expérience du Canada où des réflexions s’orientent vers l’adaptation et les assurances. Parfois, les chocs tels que les tempêtes Xynthia en France ont conduit à des prises de position plus fermes. Ces chocs peuvent faciliter le déblocage de fonds et encourager un changement de comportement.
Ce changement de comportement doit être valorisé, car il nécessite un courage politique considérable. Prenez par exemple le quartier Matra en France, en collaboration avec le maire de Romorantin. Ces démarches exigent du courage politique pour prendre des risques calculés. En prenant ces risques, nous devenons des pionniers qui, peu à peu, dévoilent les avantages. Cependant, il est primordial de s’assurer que les personnes âgées et les populations vulnérables ne soient pas laissées de côté. Il est essentiel de promouvoir l’équité, un élément crucial pour façonner le futur.
Dans cette perspective, les diagnostics sont nécessaires. Nous pouvons commencer par là, en utilisant des méthodes de diagnostic de risque, d’aléa, de vulnérabilité, et ainsi de suite. Ensuite, nous pouvons progresser vers la mise en place de stratégies d’adaptation et d’aménagements résilients.
Dans notre combat contre le réchauffement climatique négligeons nous trop la part d’adaptation au changement ?
Éric Daniel-Lacombe : Certes elle est complétement négligée. La recherche de protection individuelle, le château fort climatique, est un fantasme qui met seulement en lumière l’espoir vain de maintenir nos modes de vie inchangés, et fait obstacle à la construction collective par toute la société de nouvelles cultures.
Isabelle Thomas : Tout à fait, et je pense que c’est également un indicateur de la progression lente dont tu parlais. Au départ, lorsque nous évoquions les plans climat, lors de rencontres et discussions au Québec, il y avait une focalisation sur les émissions de gaz à effet de serre. Bien sûr, cela est nécessaire de les diminuer, mais nous ne pouvons pas nous limiter à cela. Il aurait été essentiel dès le début de s’engager dans l’adaptation. À présent, nous constatons que cette vision évolue considérablement. Les villes résilientes émergent, les municipalités se positionnent en fonction de cette perspective. Je suis convaincue que les véritables municipalités gagnantes sont celles qui parviennent à concilier les deux approches. Travailler sur la marchabilité, promouvoir la mobilité active dans un quartier, développer la canopée pour réduire les îlots de chaleur et simultanément s’engager dans l’adaptation. Les projets qui réunissent ces deux aspects sont ceux qui obtiennent les avantages mutuels, les co-bénéfices.
L’adaptation représente une action fondamentale. Cela démontre également à chacun qu’il peut apporter une différence. C’est pourquoi notre emblème, pour l’équipe ARIACTION est le colibri. Chacun peut faire sa part. Ce qu’il faut du courage politique, du leadership et une volonté de changement, mais aussi du soutien. Dire à un citoyen qu’il doit s’adapter parce qu’il vit en zone inondable est une chose, mais lui fournir les moyens et les ressources nécessaires en est une autre. Cela implique des programmes, un suivi, et une assistance concrète.
C’est très important de travailler dans chaque spécialité sur de l’innovation. Mais la plus grande force, c’est quand on travaille en équipe. Le nerf de la guerre, c’est le financement, mais c’est réussir aussi à ouvrir sur l’idée qu’on y gagne collectivement en s’y mettant tous. L’interdisciplinarité, elle est nécessaire et ce jusqu’aux médias. Plus on parle des projets réussis plus cela incite à les reproduire. C’est comme ça qu’on lancera une transformation qui réussira, aussi, à inclure les plus vulnérables et à construire une culture de la résilience.
Éric Daniel-Lacombe : Les hommes ont appris à vivre dans les montagnes, en dépit du froid, de la neige et des avalanches depuis la nuit des temps. Il faut permettre à un nombre croissant de nos contemporains d’apprendre à leur tour comment vivre dans leurs régions avec le nouveau climat, les nouveaux insectes, les nouvelles restrictions alimentaires sans les effrayer en permanence par des images de catastrophe. La peur ne favorise par l’audace qui permet l’invention de conduites adaptées et de nouvelles voies de la création architecturale. Tout au contraire il faut faire découvrir d’une manière nouvelle les beautés de la nature, en même temps que la prudence vis-à-vis des dangers qu’elle recèle. L’architecte a donc, à mon sens, pour responsabilité d’assurer l’ouverture en même temps que l’abri. L’architecture que je dessine est un abri assurant à la fois la sécurité de ses occupants et leur conscience du risque, un abri ouvert sur le développement d’une culture du soin pour la nature.
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