, JO Paris 2024 : en Loir-et-Cher, une PME familiale dopée par les chantiers olympiques

À Moisy, près de Vendôme (Loir-et-Cher), où est implantée depuis six générations l’entreprise familiale Le Prieuré Vegetal i.D., tout diffère de l’atmosphère effervescente de la Seine-Saint-Denis. La PME horticole dirigée par Raphaël Lamé a été retenue par Solideo, l’établissement public chargé des infrastructures olympiques et paralympiques, pour concevoir la toiture végétalisée du village des athlètes à Saint-Denis. Cette couverture de verdure, et les panneaux solaires assortis, contribueront aux objectifs ambitieux fixés par Paris 2024 de ne pas émettre plus de 1,58 million de tonnes équivalent CO, soit deux fois moins de gaz à effet de serre que les Jeux de Londres en 2012 et de Rio en 2016. C’est toutefois l’équivalent des émissions annuelles de 150 000 Français.

« Solideo souhaitait promouvoir l’innovation, le développement durable et les PME », raconte le dirigeant de l’entreprise depuis le local administratif attenant à la maison transmise de génération en génération. « Nous avions postulé auprès des différents maîtres d’ouvrage pour quatre lots (sur plusieurs dizaines soumis à des appels d’offres, NDLR) avant d’être choisis pour l’écoquartier fluvial de L’Île-Saint-Denis, qui sera le village des athlètes. » Ce chantier a été attribué en 2019 au consortium constitué par le promoteur bordelais Pichet et le constructeur d’Ille-et-Vilaine Legendre.

2 000 m de panneaux solaires et 8 000 m de toiture végétalisée

L’action de l’horticulteur a été dictée par un cahier des charges « très précis » devant résoudre de fortes contraintes liées à la gestion des eaux pluviales. À cet égard, la végétalisation en surface présente l’avantage d’offrir une grande capacité de stockage puis de restitution de l’eau par évaporation. L’entreprise est allée encore plus loin, proposant sa solution Oasis Biosolar, qui allie la production photovoltaïque à la végétalisation. Cette technique, qui a nécessité cinq années de recherche et un million d’euros d’investissement, est déclinée pour la première fois sur un chantier de grande ampleur.

Ici, 2 000 m de panneaux solaires sont prévus aux côtés des 8 000 m de toiture, sur lesquels pousseront une végétation spontanée, des arbres et des variétés de sédums, ces plantes vivaces très résistantes à la sécheresse, sous une couche de substrats produits sur les terres de l’entreprise, à Moisy. Selon le type d’implantation, une demi-douzaine de recettes, composées de matières comme de la roche volcanique basaltique, ont été élaborées dans leur laboratoire. « Nous faisons tout de A à Z, jusqu’à l’exécution des travaux », revendique Raphaël Lamé.

À Saint-Denis, les jardins suspendus accueilleront des espaces de vie, offrant à leurs futurs résidents des îlots de verdure et de fraîcheur appréciables en période de canicule. À partir du 1 novembre 2024, une nouvelle phase de travaux dite « d’héritage » démarrera pour transformer le village olympique en écoquartier.

Un marché en stagnation dans un contexte de crise de l’immobilier

Heureux d’avoir décroché « l’une des plus belles affaires de l’histoire de l’entreprise » depuis qu’elle s’est lancée au début des années 1990 dans la conception de toitures végétalisées, Raphaël Lamé ne s’attendait pas à une telle exposition médiatique. « Depuis un an, on ne me parle que de ce chantier. Nos clients ne retiennent que ça, témoigne-t-il. Cela n’a toutefois pas encore eu d’effet accélérateur pour notre activité. Nous ne sommes qu’au début du bio solaire. Mais, pour nous, il s’agit d’un grand enjeu de marché afin de répondre à la loi climat et résilience qui oblige, par étapes, à ajouter des toitures végétalisées ou productrices d’énergie. Dorénavant, l’imperméabilisation des sols devra systématiquement être compensée. »

Cette vitrine olympique intervient au moment où le secteur immobilier est percuté par une inquiétante crise structurelle, qui s’ajoute aux difficultés de recrutement. Raphaël Lamé s’attend à affronter « des années difficiles ». D’autant plus que ce marché de niche de la toiture végétalisée stagne après s’être beaucoup développé dans les années 2005-2015, porté par le secteur public pour la construction des hôpitaux, établissements scolaires, Ehpad, patinoires ou médiathèques. En France, « qui n’est pas le pays le plus en retard », le marché des toitures végétalisées connaît une croissance d’environ 15 %, soit 1,6 million de mètres carrés installés par an, loin derrière l’Allemagne (plus de 10 millions de mètres carrés par an) et les pays du nord de l’Europe.

En dépit de cette situation préoccupante, cette entreprise, qui compte une centaine de salariés en France et en Espagne, où elle possède une pépinière, continue de tirer son épingle du jeu, réalisant près de 800 chantiers en 2023. Ses interventions sur le bâtiment Biotope à Lille en 2019, construit par l’agence d’architecture danoise Henning Larsen, initialement destinée à l’Agence européenne du médicament, sur lequel 150 arbres et un sous-bois ont été plantés sur les toitures, sur la plateforme logistique de Rungis ou le potager aérien de l’opéra Bastille, ont consolidé sa réputation. « Nous avons d’abord été présents dans l’Ouest, en Rhône-Alpes, et dans le Nord, les territoires précurseurs. Aujourd’hui, l’Île-de-France concentre la majorité des demandes parce que nous avons la capacité de proposer une gamme étendue de solutions (toiture extensive, toiture jardin, en pente, bio solaire, etc.). »

Une exploitation céréalière qui s’est diversifiée depuis quarante ans

Par précaution et pour perpétuer l’histoire de l’exploitation, Raphaël Lamé tenait à maintenir dans ses champs des cultures céréalières, qui représentent 80 % des surfaces exploitées, « pour une part très réduite » de son chiffre d’affaires. Cet ancien étudiant de l’école supérieure de commerce de Grenoble croit dans la trajectoire dessinée par son père, qui a fait le choix, dans les années 1980, de se tourner vers l’horticulture et la production de gazon en rouleau.

Ce virage de la diversification était alors observé avec les yeux ronds de l’incrédulité par les exploitants voisins. Ses parents, enfants de la JAC (Jeunesse agricole catholique), ont toujours « regretté ce manque d’ouverture de l’agriculture ». Dans les années qui viennent, leur fils devra à nouveau faire preuve d’agilité et d’adaptation face aux transformations du secteur de la construction : « Pour rafraîchir la ville, il ne s’agit plus de faire du neuf. Il faudra “verdir” l’existant », soutient-il. « En un an, tout a changé, les grands promoteurs immobiliers ne parlent plus que de rénovation à cause de la chute terrible de la mise en construction. » Régulièrement sollicité par des majors du bâtiment désireuses d’absorber cette PME innovante, ce quinquagénaire, qui pense déjà à sa succession, décline toutes les offres avec l’espoir de voir l’un de ses enfants reprendre le flambeau.

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Le village olympique en chiffres

Réparti sur trois communes (Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’Île-Saint-Denis), le village accueillera 15 000 athlètes et leur staff pendant les épreuves olympiques et 9 000 sportifs, 15 jours plus tard, lors des Jeux paralympiques.

Le Comité d’organisation des Jeux estime à 60 000 le nombre de repas qui y seront servis chaque jour.

Le village comportera une clinique à disposition des athlètes ainsi qu’un centre de réparation des prothèses et des fauteuils pour les para-athlètes. Initialement attendue à Noël, la livraison du chantier a été repoussée, au plus tard au début du mois de mars 2024.

À l’issue des Jeux, le Village doit devenir un écoquartier de 52 hectares accueillant 6 000 habitants dans 2 800 logements, dont 2 000 logements familiaux et 800 logements en résidence, pour les étudiants notamment. Il abritera aussi un hôtel, deux groupes scolaires, une crèche, des terrains de sport, 120 000 m² de bureaux et 3 200 m² de commerces de proximité. Il y aura enfin 6 hectares d’espaces verts, dont un parc public.

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