Après une envolée post-confinement, le marché immobilier des habitations rurales subit lui aussi un important repli depuis l’été 2022 et qui s’est confirmé en 2023. Entre taux d’intérêt, coût des matériaux, et prix de l’immobilier élevés, le marché est encore en position d’attente.
À la campagne, on achète moins. La tendance est nette depuis un an et demi : les transactions des biens immobiliers (hors agricoles) sont en baisse importante. En Centre Val de Loire, on compte seulement 10 000 cessions d’habitations en zone rurale sur l’année 2023 (jusqu’au 31 août), soit 2 000 de moins qu’il y a deux ans à la même date.
La région n’est pas une exception, la tendance est complètement nationale, explique la Fédération des Safer qui est notifiée des ventes dans les zones rurales. Ce repli déjà important pourrait même être sous-estimé. « Les Safer sont notifiés par les notaires de toutes les offres de ventes, précise Nicolas Agresti, directeur des études à la FNSafer. Nous ne sommes en revanche pas informés des potentiels refus de prêts. »
Or, il y a un double phénomène : des prix immobiliers importants et des taux d’intérêts qui ont également augmenté. Ce qui a pour effet de durcir les conditions d’accès aux prêts immobiliers. En octobre 2023, le taux moyen de crédit immobilier a dépassé la barre des 4%, alors qu’il tournait entre 1 et 2% entre 2016 et 2022 selon l’Observatoire Crédit Logement.
Les dernières statistiques de l’observatoire Crédit Logement CSA :
– Le taux immobilier moyen sur les crédits contractés en octobre 2023 est de 4.12 %
– C’est encore 14 points de + qu’en septembre
– C’est 177 points de + qu’en janvier 2023 et 306 pts de + qu’en février 2022 pic.twitter.com/2yUeiUUTOU— Immobilier-danger (@immodanger) November 2, 2023
Pour Nicolas Agresti, on retrouve le coût que l’argent avait avant la crise économique de 2008. « Ces dernières années, la flambée des prix sur l’immobilier étaient supportables notamment grâce au prolongement des durées de prêts, analyse-t-il. Aujourd’hui, la capacité d’emprunt est beaucoup plus limitée. Les banques sont déjà bien plus regardantes sur le taux d’endettement.«
Outre les acheteurs particuliers, les investisseurs locatifs sont aussi impactés. Clément Delaume, directeur de l’agence immoblière Human Immobilier à Châteauroux, a vu les investisseurs déserter. « Alors qu’en 2021, nous étions sollicités toutes les semaines par des investisseurs, notamment en vue des Jeux Olympiques à Châteauroux [épreuves de tir sportif, ndlr], aujourd’hui ils estiment que ça ne vaut plus le coup avec la hausse des taux d’intérêt.«
Celles et ceux qui veulent s’offrir une maison à la campagne ne dérogent donc pas au contexte économique difficile. C’est d’autant plus vrai dans les zones rurales où n’y a que peu d’offres de neuf, en partie dû aux objectifs de zéro artificalisation nette. « À la campagne, nous avons majoritairement du déjà bâti, des maisons anciennes qui ont besoin de rénovations souvent, développe Nadia Bilbot, agente immobilière à Pithiviers. Or le prix des matériaux a fortement augmenté, ce qui rajoute un coût substantiel à l’achat.«
Autre donnée qui complique le jeu pour l’immobilier : l’introduction des audits énergétiques. En effet, la loi Climat et résilience de 2021 prévoit d’interdire la location des passeoires énergétiques, ces habitations dont le fameux DPE (diagnostic de performance énergétique) est classé G. « Les biens très mal classés ont du mal à se vendre, commente Clément Delaume, agent immobilier à Châteauroux. Ça refroidit les acheteurs qui se disent qu’ils ne pourront pas le louer derrière. »
Même constat du côté de la location, malgré des aides prévues par le gouvernement pour mieux isoler ou améliorer les méthodes de chauffage. Pour Nadia Bilbot, la lenteur des démarches administatives pourrait expliquer en partie la difficile transition. L’agente immobilière de Pithiviers s’inquiète d’une façon générale de l’état du marché immobilier actuel. « Tout le monde est dans l’attente, résume-t-elle. Ceux qui peuvent reporter leur projet le font, que ce soit du côté des acheteurs ou des vendeurs. Des crises, on en a déjà connu, mais là, en 25 ans de métier, je n’ai jamais vu ça. »
Ceci dit, Nadia Bilbot veut croire à des jours meilleurs et a l’impression que le marché se stabilise. Selon elle, le phénomène de rétention qui existait de la part de vendeurs qui voulaient vendre au prix fort commence à s’estomper petit à petit.
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