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Agents débordés, communication insuffisante, bugs informatiques… le lancement de la déclaration des biens immobiliers a tourné à la débâcle pour Bercy ce printemps, et à la prise de tête pour les propriétaires.
Publié le 04/08/2023 à 13h00 & mis à jour le 04/08/2023 à 15h17
Il est prêt de 20h, ce mardi 1er août, quand le communiqué de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) finit par tomber : “Pour permettre à tous les propriétaires une déclaration sereine et pour assurer une juste taxation des contribuables, le service Gérer mes biens immobiliers recueillera les déclarations jusqu’au 10 août.” Cerné par les problèmes techniques sur son site internet, impots.gouv.fr, Bercy se voit contraint d’accorder un délai supplémentaire aux 34 millions de propriétaires pour qu’ils puissent remplir leur déclaration de biens immobiliers. Un énième rebondissement dans la mise en route ratée de cette nouveauté déclarative.
Votée en loi de finances pour 2020, et codifiée à l’article 1418 du Code général des impôts, la déclaration des biens immobiliers oblige les propriétaires, depuis le 1er janvier 2023, à indiquer l’usage de leur logement (résidence principale ou secondaire, occupé ou loué, etc.). Une procédure qui émane de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, mesure phare du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. “La déclaration d’occupation doit permettre la bonne identification des locaux affectés à l’habitation principale, exonérés, et de ne pas adresser d’avis de taxation à des personnes qui ne seraient pas redevables”, détaille la DGFiP. Elle doit surtout permettre au fisc de bien identifier les résidences secondaires et les logements vacants qui, eux, restent soumis à la taxe d’habitation.
Alors que Bercy a brillamment réussi la mise en place du prélèvement à la source au 1er janvier 2019, l’administration fiscale patauge pour lancer la réforme de la déclaration des biens immobiliers. Ce printemps, Capital a reçu de multiples témoignages de propriétaires inquiets et ne parvenant pas obtenir de réponses à leurs questions. “Mon bien immobilier est repris comme propriétaire alors que nous sommes usufruitiers depuis plusieurs années… Je n’obtiens aucune réponse à mes demandes de rectification”, nous écrivait ainsi Jean-Léon. “J’ai envoyé à deux reprises un message à partir de mon espace particulier sur le site des impôts, mais ils sont toujours en cours de traitement”, déplorait de son côté Régis.
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Des craintes depuis deux ans
Pour comprendre les difficultés de ce printemps, retour deux ans en arrière. Le 2 août 2021, au cœur de l’été, la Direction générale des finances publiques ouvre un nouveau service en ligne : “Gérer mes biens immobiliers”. En se connectant dans leur espace personnel sur impots.gouv.fr, les propriétaires immobiliers peuvent alors consulter la liste et les caractéristiques de leurs biens. Et faire corriger, le cas échéant, les erreurs. Rapidement, les agents des finances publiques se trouvent sollicités par les usagers. “Nous avions pu indiquer à la direction générale lors des groupes de travail fin 2021 et en 2022 que les interrogations relatives à la propriété, la nature ou la consistance des biens, mettaient les services en tension”, rappelle la CFDT Finances publiques.
Un an et demi avant la mise en place de la déclaration, l’ensemble des organisations syndicales pressent que l’affaire est mal embarquée. Surface erronée, mauvaise attribution, oubli d’une dépendance… de nombreux propriétaires immobiliers font remonter des erreurs. En cause, les services de publicité foncière (SPF), chargés de tenir à jour les informations relatives aux biens immobiliers, qui n’arrivent plus à tenir la cadence. Pourtant réputés pour leur précision, ils ont subi, comme l’ensemble de la DGFiP, la baisse du nombre d’agents ces dernières années. Plus de 31.000 postes ont été supprimés aux finances publiques depuis 2008.
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Un printemps cauchemardesque
C’est dans ce contexte peu favorable que Bercy aborde l’année 2023. Avec en point de mire, la date limite de la déclaration fixée au 30 juin. Malgré les alertes des agents, le ministère déroule son plan. Une communication a minima, via les réseaux sociaux et l’envoi de courriels, est effectuée. Un choix que déplore, encore aujourd’hui, la CGT Finances publiques. “La campagne de communication de la direction générale a été bien en dessous des moyens que sait se donner l’administration pour faire accepter ses réformes”, pointe le syndicat.
Pour ne rien arranger, Bercy n’a prévu aucun formulaire papier pour remplir la déclaration. Et notamment pour aider les usagers en délicatesse avec les outils numériques. “C’est l’idéologie du tout dématérialisé qui prime, témoigne Damien Robinet, représentant de Solidaires finances publiques. Nous avions alerté que cela allait poser un problème.” Face aux difficultés, plusieurs directions régionales prendront l’initiative, au cours du printemps, de bricoler elles-mêmes un formulaire papier.
Des reports en cascade
Dès le mois d’avril, les craintes des syndicats se révèlent fondées. Les propriétaires immobiliers qui se connectent à leur espace personnel n’hésitent pas à poser leurs questions aux agents. En Touraine, la barre des 3.000 messages est vite atteinte. Dans le Loire-et-Cher, les fonctionnaires doivent répondre à pas moins de 2.000 messages ! Sans compter les appels téléphoniques et les contribuables qui se déplacent directement dans leur centre des finances publiques.
En attendant d’obtenir une réponse de l’administration fiscale débordée, beaucoup de propriétaires mettent logiquement leur déclaration en pause. Et ce, sans comprendre que leur déclaration d’état d’occupation de leur logement peut être réalisée indépendamment de la correction des informations sur leurs biens.
Conséquence directe, face à la presse le 22 juin, le directeur général des finances publiques, Jérôme Fournel, doit reconnaître qu’un “peu plus de la moitié” seulement des propriétaires immobiliers a effectué sa déclaration. Alors même que la date limite est fixée une semaine plus tard… “Comme toute nouvelle obligation déclarative, ça engendre des interrogations”, euphémise-t-il auprès des journalistes. Dès le lendemain, Bercy annonce un report de la date limite au 31 juillet. Un premier aveu d’échec.
Aucune pénalité cette année
Un mois plus tard, face à l’afflux de connexions, le site de Bercy impots.gouv.fr répond mal. L’application “Gérer mes biens immobiliers” affiche tantôt une page blanche, tantôt un message d’erreur. Impossible de réaliser sa déclaration. “L’application informatique s’est avérée instable, très souvent indisponible et, de plus, avec des manques flagrants comme les accusés de réception qui aurait permis de limiter les inquiétudes des contribuables propriétaires”, dénonce Solidaires finances publiques. La DGFiP n’a pas d’autre choix que d’accorder une journée supplémentaire, jusqu’au 1er août, aux usagers pour effectuer leur déclaration.
Le problème ne se réglant que difficilement, Bercy doit finalement se résoudre à poursuivre la campagne déclarative jusqu’au 10 août. “C’est le résultat d’une impréparation. Tout a été fait dans l’urgence”, déplore Damien Robinet. Seule bonne nouvelle pour les propriétaires, le ministère a annoncé qu’il “fera preuve de bienveillance envers les retardataires de bonne foi, et rappelle qu’aucune pénalité ne sera appliquée cette année”. Mais dès l’année prochaine, l’amende de 150 euros par local non déclaré ou pour informations inexactes s’appliquera. Les propriétaires immobiliers sont prévenus.
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